UKRAINE : DES PHOTOGRAPHES DANS LA GUERRE | LCP | DébatDoc

Éric Bouvet, un des reporters photo les plus capés du circuit mondial (5 World Press, 2 Visa d’Or, prix Bayeux-Calvados des correspondants de guerre, prix du Front Line Club, prix Paris-Match) retrouve l’Ukraine huit ans après avoir couvert la révolution du Maïdan et immortalisé un jeune insurgé, Vasyl Galamaï.

Désormais marié et papa d’une petite fille, Vasyl, héros national d’un pays qui failli être libre, repart au combat, cette fois face à la première armée d’Europe.

La « génération des patriotes » née à Kiev dans le chaudron sanglant de la révolution affronte la grande Histoire, et cette histoire doit être documentée. Vasyl, engagé comme des milliers d’autres, convoque à nouveau Éric Bouvet sur un terrain hostile, celui de la guerre. Et à travers Eric, c’est toute une profession, d’utilité publique, que nous pouvons raconter : en plein conflit, comment les photoreporters vivent-ils ces moments tragiques ? Quels sont leurs boussoles, leurs limites ? Ont-ils des limites ? A l’heure des réseaux sociaux, où chacun s’improvise photographe, quelle légitimité reste-t-il, pour ces hommes d’image fixe, dans un conflit ?

De Lviv à Kiev, derrière les sacs de sable et les voitures renversées, une résistance naît, s’affirme et se dresse devant l’objectif du Français. Bientôt Irpin, Odessa, Kerson. L’enfer sur Terre. Photographier la guerre, avec tous les risques que cela comporte, est pour lui un sacerdoce. Les « kilomètres de fantômes » qu’il dit traîner sont autant d’anges gardiens, quand la peau est en jeu, quand il faut se résoudre à devoir se battre pour trouver sa place dans la nouvelle « économie des médias ».

Car Éric, malgré un parcours qui force le respect (Afghanistan, Irak, Iran, Tchétchénie, Soudan, Somalie, ex-Yougoslavie, Liban, Israël. Irlande du Nord, Kurdistan, Surinam, Burundi, Libye) couvre ce conflit quasiment à fond perdu. Il a vécu les catastrophes humanitaires de ces trente dernières années et pourtant, il est dans l’incertitude. Aura-t-il un diffuseur ? Ses photos, prises au risque de sa vie, trouveront-elles un public ? Et même, lui permettront-elle de se nourrir ?

De leur rencontre au Maïdan aux fureurs actuelles, Éric-le-photographe et Vasyl-le-combattant composent à l’image le double visage de l’humanité engagée, et comme une fraternité dans l’adversité quand s’étiolent les certitudes sur lesquelles la vie fût bâtie. Comme Malraux appelait à « transformer l’expérience en conscience » sur la Voie royale, les deux hommes, façonnés par leurs parcours singuliers, esquissent le contour d’un grand fracas où seul existe, au bout du compte et du canon, la force de vouloir vivre libre.